1- Oak Alley Plantation (Louisiane)
A 1 heure de la Nouvelle Orléans, 22 $, ouvert de 9 h à 16 h 30/17h selon les jours.
Oak Alley, connue pour son alley pleine de oaks moussus, et reconnue grâce au cinéma.
J’éprouve un sentiment assez ambivalent, partagé (avec moi-même essentiellement) vis-à-vis des plantations.
D’un côté, ce sont des endroits qui font partie de notre imaginaire: on a tous dans un coin de notre tête ce genre d’image très esthétique (la plantation élégante, le Mississippi, les champs de coton) estampillée « luxe, calme et volupté ».
Et effectivement, ils savaient y faire les riches planteurs de l’époque; on le verra à certains détails de leur intérieur, comme ce gros éventail chasse-mouches au dessus de la table de la salle à manger. Sauf qu’ils n’ont pas poussé l’ingéniosité jusqu’à imaginer un système de motorisation et que leur génie s’est arrêté avec une paresse affligeante à l’exploitation de l’esclave qui actionnait mécaniquement cet éventail.
D’où mon sentiment mitigé vis-à-vis des Plantations. D’un côté la majesté de lieux historiques où le temps s’est arrêté. D’un autre, l’impossibilité de se réjouir d’y être sans avoir un sentiment d’indécence, à cause de cette abjection qu’a été l’esclavage. Que de souffrances, d’indignités et de cruauté dans ces lieux si élégants qui s’imposent à notre admiration par leur beauté.
Mais bon…. Pauline scandait des messages en morse (je crois que c’était « youpi ») en applaudissant des deux mains; Dalila affirmait que c’était le plus grand rêve de sa vie, après celui de voyager avec nous; Dorothée, fascinée par l’époque, pensait que c’était un truc à faire, en plus d’autres trucs qu’elle voudrait faire aussi, mais dont on parlera plus tard; et Thomas, en mal d’idées singulières, était d’accord en tout point avec Dorothée sur la perspective de faire des trucs, et m’a-t-il avoué un jour, des machins aussi.
Alors, on s’est mis à visiter des Plantations.
Plein de Plantations. Et pendant qu’on y était, des demeures aussi.
On est arrivé à Oak Alley Plantation à peu près à l’ouverture. Plus tard, c’est trop tard, c’est plein comme chez Disney, ça rompu le charme désuet de l’endroit.
Et, oui. En effet. L’endroit, dans le calme du matin est d’une majesté émouvante.
Oui, on flotte dans une atmosphère particulière, hors du temps.
Oui, on est impressionné d’avoir rejoint soudain cette image qui nous a fait rêver et qu’autant en emporte le vent nous a vendu.

Si vous avez tendance à pleurnicher sur les malheurs de votre vie, la visite de Oak Alley Plantation, récitée par un(e) guide sur un ton plaintif ne devrait pas améliorer votre état mélancolique.




Imaginez la vie cette famille de Planteurs originaires de la Nouvelle Orléans… En 1836, Jacques Roman décide d’acheter cette Plantation, au bord du Mississippi, de raser l’ancienne habitation, et de construire à la place une demeure dans le style Greek Revival, avec plus de colonnes qu’il n’en faudrait pour soutenir un ciel orageux.
Par chance, son beau-père étant architecte de son état, s’est occupé des plans, ce qui a laissé à Jacques assez de temps (de cerveau disponible) pour s’occuper de planter d’autres chênes qu’il offrit à sa femme (comme a dit Pauline « Pourquoi offrir un bouquet de fleurs quand on peut offrir un arbre? ») et d’acheter une cinquantaine d’esclaves supplémentaires qu’il s’offrit à lui-même. Et qu’offrit-il à ses esclaves ? Une vie de bêtes de somme à travailler 12 à 14 h par jour (du premier au dernier rayon du soleil).
Jacques Roman n’était pas plus cruel qu’un autre; c’était juste un homme qui en possédait d’autres.
D’ailleurs, n’écoutant que son grand coeur, et mû par une sensibilité tout à son honneur et comme on aimerait en voir plus souvent, il a émancipé un de ses vieux esclaves, qui appartenait depuis toujours à la famille, sur la requête de sa mère (celle de Jacques) sur son lit de mort. Zéphyr, l’esclave émancipé est cependant resté travailler au domaine car son ancien propriétaire, le bon Sieur Roman, possédait encore sa femme et ses enfants, qu’aucune circonstance pathétique n’avait forcé à libérer. On se demande où il avait la tête !
Bref, c’était une famille ordinaire qui vivait à la Nouvelle Orléans l’hiver et à Oak Alley Plantation l’été, s’y ennuyait à mourir, n’ayant même pas une mouche à chasser pour tuer le temps, et s’occupait essentiellement à manger et à se morfondre.
Comme toutes les familles, ils ont eu leur lot de soucis et de malheurs. Monsieur est mort pendant que Madame faisait la java à la Nouvelle Orléans, la guerre de Sécession a un peu dérangé leur train de vie, leur fille s’étant blessée à la jambe a dû être amputée. Jugeant que désormais elle ne serait plus bonne à rien et surtout à aucun mari, elle est allée se réfugier dans un couvent (je ne sais pas comment Dieu a pris le fait d’être un plan B). On dit que son fantôme revient de temps en temps à la Plantation, où elle est retournée à la fin de sa vie. Et après la fin de sa vie aussi.





L’infirmerie….

….où officiait ce bon Dr Merrick, l’as de la scie, qui amputait à tour de bras, estimant (d’après son expérience de raccourcisseur de membres) qu’une bonne amputation valait mieux qu’une mauvaise fracture; ce principe valant surtout lorsqu’il était appliqué à autrui.
A Oak Alley Plantation, les arbres sont vraiment classes, ils ont de l’allure; les hommes beaucoup moins.
2- Houmas House and Gardens
Légèrement traumatisés par la visite guidée de Oak Alley, qui aurait, en ce qui me concerne, tout aussi bien pu être faite en Mandarin, nous avons choisi, pour notre 2° plantation de la journée, l’option Self Guided Tour, persuadés que nous ne pouvions pas être déçus par nous-mêmes. Ce qui s’est avérés exact.
Cette option nous cantonnait aux jardins, magnifiques et agréables pour une promenade, malgré nos coups de soleil.
Comme nous avons beaucoup de méthode, nous avons examiné les plans, en plissant les yeux, pour bien montrer notre concentration et notre implication, puis nous avons attendu que Dorothée prenne les choses en main (c’est-à-dire: le plan, nos charmantes personnes et la visite) et nous indique où aller et ce qu’on était en train de voir.
Nous avons musardé dans les allées, trainé sur des bancs, cherché des prétextes futiles pour s’arrêter au banc suivant, regardé et photographié des écureuils en nous disant que vraiment ceux-ci étaient trop mignons, croisé des chats hautains, essayé de ne pas déranger les jardiniers, ni les oiseaux, recherché un peu la fraîcheur, puis las d’être à l’ombre, le soleil, avant de le regretter aussitôt.
Il y avait des jardins pour tous les goûts: à la française, à l’anglaise, potager, japonais…
Et finalement, au détour d’une allée, derrière un bosquet, et en contournant quelques buissons, nous avons trouvé un bar, tout petit. On a, malgré nous, à l’insu de notre plein gré, dérangé le barman pour lui commander quelques rafraichissements que nous sommes allés consommer dans le jardin, ce qui a doublé notre temps de visite.
On était seuls au monde. Pendant ce temps, à Oak Alley, c’était comme chez Disney.
On était bien.