Imaginez que votre plutôt récent ennemi (après tout, vous étiez alliés lors de la 2° guerre mondiale), cette espèce de Bolchevik qui veut assassiner le Capital, vous empêche de jouir correctement, bourgeoisement et confortablement de votre nouveau concept, qui illumine pourtant le monde : the american way of life (traduction : la consommation, c’est bon) en vous mettant la honte devant la planète entière.
Nous sommes en 1957, Sputnik, premier satellite artificiel innonde le monde civilisé (par vos soins) d’un joyeux et insolent Bip-Bip-Bip qui signale au passage que c’est l’URSS qui a le pouvoir et qui occupe l’espace.
Avouez qu’il y a de quoi avaler son cigare et se détourner avec dégoût, au moins quelques instants, des cours de la bourse. On peut dire que votre fierté en a pris un coup et a été envoyée elle aussi en orbite. En pleine guerre froide, ça vous contrarie rudement, cet Ennemi qui a la plus grosse puissance de propulsion. Mais c’est bien mal vous connaître : vous créez la NASA et le programme Explorer et inventez un nouveau sport : la conquête de l’Espace et même la course à la Lune (qui n’a rien à voir avec un spectacle du Lido, ni avec un clip de rap West Coast).
Je suis née juste à temps pour assister au résultat de cette quête impossible à la Don Quichotte et voir, entre deux régurgitations, Neil Armstrong éblouir et galvaniser le monde entier avec ce « petit pas pour l’homme et ce grand pas pour l’humanité » (ce à quoi, ayant l’esprit d’à-propos, j’ai répondu « arrrhho », ce que la plupart des témoins ont pris pour un rot de digestion plein de satisfaction).
J’ai longtemps été émerveillée par cette capacité qu’ont eue les Américains de conduire cette fantastique épopée, presqu’onirique ; cette ambition prométhéenne d’aller jusqu’à la lune, qui était l’expression d’une volonté confiante, d’un optimisme inébranlable en les pouvoirs de la science, de la technologie et une foi certaine en la capacité de l’homme à repousser les limites du possible pour toucher à un rêve, et ce dans la lignée des plus grands rêveurs, depuis Cyrano de Bergerac (le vrai, pas Gérard Depardieu) en passant par Mélies.
Bref, j’ai longtemps évacué de mon imaginaire les enjeux politiques de la conquête de l’espace, jusqu’à ce que je sois déniaisée par visite de la Coupole, près de Saint-Omer, et que je découvre que les Américains (autant que les Soviétiques, d’ailleurs) avaient débauché ou embauché l’infâme Von Braun, le lavant de tous ses pêchers de Nazi, lui qui avait fait construire ses V2 par des prisonniers déportés du camp de Dora.
EN ROUTE POUR CAP CANAVERAL
1- La plage de Daytona
Tout a commencé par un lever de lune, la veille de notre visite.
Olivier, qui est un fin observateur de la nature (il sait par exemple, au premier coup d’oeil, et même de dent, distinguer le piment sauvage du piment domestique) nous a fait remarquer que, de ce côté de l’Atlantique on pouvait voir la lune se lever sur l’Océan, alors qu’en Vendée, non, pas du tout.
Kathleen a tenté une hypothèse relative à un changement d’hémisphère, ce qui nous a tous embarrassés pour elle, mais comme nous étions dans l’obscurité, nous n’avons pas été obligés de regarder nos pieds pendant le flottement qui a suivi.
l’homme face à la lune, le grand défi du XX° siècle
on a marché sur.. Daytona Beach; et on s’est assis dessus aussi.
2- Le Kennedy Space Center
Grand complexe, sur le site historique de la conquête de l’espace, qui mêle expositions et distractions. Et bien sûr, magasins de souvenirs et photos sur fond vert. Sa visite mérite une journée entière.
Comme souvent, les Américains mêlent le ludique à la pédagogie et surtout l’Histoire au mythe qu’ils prennent soin de construire eux-mêmes, comme si on était à Hollywood. Ils mettent en scène avec lyrisme et un sens de l’épique certain les moments glorieux de leur histoire.
Mise en scène habile, narration rythmée comme une bande-annonce (oh pardon, on me signale que ce terme de bande-annonce est tombé en désuétude il y a 3 ans, et qu’il faut désormais parler de teaser sous peine de passer pour un dinosaure), attente, entrée en scène–apparition de fusées et de navettes. On en pleurerait en voyant une combinaison ayant appartenu à un héros de la conquête spatiale ou de pouvoir presque toucher un engin qui a défié l’attraction terrestre. C’est comme si on rencontrait des stars. Ça m’a fait pareil quand j’ai vu Eddy Mitchel en vrai et Elvis Presley en faux.
En arrivant, on est accueilli par John Fitzgerald Kennedy, le regard dans le vague tourné vers l’avenir et nous montrant le chemin des toilettes de ses plus hautes ambitions.





3- Le Rocket Garden
Suis-je la seule à trouver qu’il y a un peu trop de démonstration de virilité dans ce modeste jardin où poussent les fusées?
4- Le Bus Tour
Il ‘agit d’aller voir de plus près, en autocar, les pas de tir et rampes de lancement. On ne descend pas du bus, mais on va aux mêmes endroits que ceux qui ont le badge les autorisant à pénétrer dans des zones réservées à ceux qui ont les bons badges.
La Bande annonce Le Taeser, dans la file d’attente..
Un conseil: placez vous à la droite du bus, vous aurez de belles photos, ou même des photos tout court.



A la descente du bus, on vous fait attendre devant d’immenses portes qui restent fermées un bon moment, on s’apprête à découvrir une sorte de Jurassic Park, mais non, c’est juste la suite du spectacle.
Vous n’êtes pas obligés d’attendre, vous pouvez contourner le bâtiment par la gauche et rejoindre la navette suivante, qui vous ramènera au Kennedy Space Center.
Mais vous rateriez ça…..
5- Apollo 8 and the firing room

Et puis, on passe du bon côté du miroir, dans le vrai et le tangible, dans l’immense et l’impressionnant


6- Space Shuttle Atlantis
Dans la file d’attente, la bande annonce: des citations inspirantes.






7- Qu’est-ce qui est déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes ayant des problèmes cardiaques, qui secoue un peu et provoque cris et satisfaction ?
Le simulateur de décollage
Mais parlez plutôt de Shuttle Launch expérience, ça fait plus « NASA ».
Dorothée, Virginie, Valérie, Pauline, Mike et Olivier s’y sont précipités.
Dalila et moi n’y sommes pas allées, nous simulons déjà très bien le décollage, et en bonnes copines, nous avons gardé les sacs.
La Shuttle Launch experience (à ne pas confondre avec le lunch experience, qui a eu lieu un peu plus tôt dans la journée) est une sorte d’attraction foraine qui consiste à vous faire monter dans ce qui ressemble à s’y méprendre à une navette spatiale (si vous faites la confusion avec une navette, on supposera que vous n’avez rien appris de toute votre journée de visite au Kennedy Space Center), à vous faire peur en vous faisant croire que vous allez risquer votre vie au décollage, à vous secouer un peu à l’aide de vérins hydroliques tout en vous offrant le spectacle sur écran de la Terre vue du ciel puis de l’espace. ça y est: vous êtes dans la bande annonce le teaser !
« Oh my God », s’est écriée Virginie en s’agrippant à son siège, ou du moins à ce qu’elle croyait être l’accoudoir de son siège.
Olivier a grogné, puis se trouvant complètement renversé, a confondu le Nord et le Sud et n’a plus su dire si la lune étant montante ou descendante.
Valérie a commencé à analyser la situation et ré-écrire un discours, son propre éloge funèbre, qu’elle avait commencé à rédiger avant de monter dans l’avion à Bruxelles.
Pauline s’est mise à applaudir d’excitation et d’amusement, avant de faire des déclarations à faire rougir n’importe quelle prof de français expérimentée capable de lire entre les lignes.
Mike a fait signe des deux pouces pour dire que c’était ok, que ça marchait.
Dorothée préfère ne pas en parler.
et voici ce que Kathleen en a pensé
8- Ce qu’on n’a pas eu le temps de faire
- l’IMAX, différents films sur écran panoramique
- le U.S Astronaut Hall of Fame
- Lunar Theater
- Apollo Treasure Gallery
- Hubble Space Telescope Theater
- rester connectés pendant toute la journée pour montrer à la terre entière qu’on y est
Avec la fin de la guerre froide et du bipolarisme, la compétition dans le domaine de l’espace s’est ringardisée aussi vite que le mot « bande-annonce ». On est passé à une ère de collaboration scientifique, de partage de vols habités et de ressources. C’est un peu moins épique.
Mais c’est pas grave : puisque maintenant, on a Thomas Pesquet!

N.B : certaines photos de cet articles sont de Dalila (elle était à droite dans le bus). Elles sont faciles à identifier : ce sont les plus belles.
Quant aux autres photos… je ne préfère pas dénoncer l’auteur de cet article.